HOMMAGE : L’Élysée a demandé à la Russie le rapatriement du corps du général GUDIN
Source ASAF – rediffusé par l’unc-alpes.fr
Le président Macron envisage une cérémonie aux Invalides en présence de Vladimir Poutine. Et serait prêt à célébrer Napoléon, contrairement à ses prédécesseurs.
« Le président Emmanuel Macron a en effet demandé qu’on lance l’organisation des opérations touchant au retour de la dépouille du général Gudin. Une cérémonie avec Vladimir Poutine est envisagée. » La confirmation vient de sources élyséennes proches du dossier. L’illustre divisionnaire de Napoléon serait honoré aux Invalides à Paris en présence du président russe, avant d’y être inhumé, dans le caveau des gouverneurs, temple des grands soldats français.
Suivie en haut lieu par Bruno Roger-Petit, conseiller du président, et Patrick Strzoda, son directeur de cabinet, l’affaire s’est accélérée le 9 décembre avec la venue de Vladimir Poutine au sommet de Paris. Le président français aurait évoqué le sujet avec son homologue russe et décidé de mettre à profit la découverte du corps du général d’empire, enterré au cœur de la citadelle de Smolensk, ville où il mourut le 22 août 1812 de ses blessures reçues durant la bataille de Valoutina Gora, au début de la campagne de Russie. Une aventure rocambolesque suivie de bout en bout par Le Point.
Un nouveau départ dans les relations diplomatiques
Ce retour des cendres du général Gudin est l’un des ponts jetés par le président français pour tenter de sceller la nouvelle alliance qu’il rêve d’instaurer avec la Russie de Vladimir Poutine. « Le président Macron essaie de remettre les relations franco-russes sur les rails, explique Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française et autorité incontestée de la relation franco-russe. Il avait déjà relancé la chose d’une manière très intelligente à Versailles. Il s’était emparé du mythe de Pierre le Grand. Le général Gudin était un compagnon de Napoléon, et Emmanuel Macron a le sens des symboles. »
© Elena Chernyshova / Panos Pictures / Color
Le président convoque donc l’Histoire et la figure d’un héros, mort pour la France. L’initiateur de cette découverte, Pierre Malinowski, à la tête de la Fondation franco-russe des initiatives historiques, est un ancien militaire et ex-assistant parlementaire de Jean-Marie Le Pen. Reconverti dans l’archéologie, cet autodidacte à forte tête de 33 ans, a été soutenu par un oligarque russe, Andrei Kositsyn, et, « soft power » oblige, par le président Poutine lui-même, qu’il a rencontré à plusieurs reprises, tout au long de l’incroyable odyssée archéologique qui l’a mené à exhumer le corps du général Gudin le 9 juillet 2019 à Smolensk, et dont les restes ont été authentifiés en France par une analyse ADN en novembre.
Gudin, « un homme honorable »
Du côté de l’armée française, le feu vert pour cet hommage officiel a rapidement été donné après une ultime vérification auprès des archives afin de s’assurer que le général était bien « un homme honorable », c’est-à-dire qu’aucune exaction ne pouvait entacher sa longue carrière militaire. C’est bien le contraire quand, au service historique de la Défense (SHD) au château de Vincennes, on examine son dossier militaire, tant le général Gudin, homme aussi discret que valeureux soldat, a suscité d’éloges. Un héros comme aime à les honorer le président Macron, un personnage fédérateur pour l’histoire de France, Charles Étienne Gudin ayant été soldat du roi avant de servir dans les armées de la République puis de l’Empire, et étant issu d’une rare dynastie de militaires qui a compté quatre généraux de division en trois générations, tous brillants soldats. « Petite noblesse, grands états de service », résume Michel Roucaud, historien et spécialiste de la période au SHD.
La communauté des historiens français y est elle aussi, depuis le début, favorable. D’autant que le monde des archives russes, traditionnellement difficile d’accès, a ouvert grand ses portes depuis la découverte du corps du général. « Visiblement, cela a eu des conséquences, remarque Thierry Lentz, qui dirige la Fondation Napoléon. J’y suis allé en septembre et j’ai été très bien reçu. Les Russes nous ont montré beaucoup de choses et, au niveau historique, se sont montrés très demandeurs d’une collaboration plus intense avec les scientifiques français. » La résistance est venue des diplomates français qui se sont pincé le nez, en raison des nombreux contentieux avec la Russie, pays toujours sous sanctions à cause de son agressivité sur tous les fronts, sans oublier l’hostilité des pays de l’est de l’Europe à ce rapprochement unilatéral voulu par la France.
« Les Russes sont très respectueux du souvenir de Napoléon »
Mais l’Académie semble avoir gagné sur la diplomatie. « J’avais déjà écrit une lettre commune avec Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences, explique Hélène Carrère d’Encausse, au moment de la découverte du corps du général Gudin en Russie. C’était avant que les analyses ADN ne confirment son identité. J’ai repris la plume il y a quelques jours pour demander une cérémonie en France. » Et d’ajouter : « Je ne suis pas le conseiller du prince. Mais j’ai dit au président l’importance que pouvait avoir cette découverte pour la France, et surtout la Russie. L’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, c’est à peine si on s’en est aperçu ici. Les Russes, eux, sont très respectueux du souvenir napoléonien. Ils le respectent pour sa grandeur. »
Et Hélène Carrère d’Encausse de poursuivre : « Le fait qu’Emmanuel Macron appartienne à une autre génération le rend peut-être plus libre. Les gestes symboliques permettent souvent de produire un très grand effet, sans même avoir à produire de grands discours. Symboliquement, c’est un petit caillou après Versailles. » Pour Albéric d’Orléans, descendant du général Gudin et marié avec une Russe, c’est une très bonne nouvelle. « Mon épouse et moi-même espérons très sincèrement que cela sera l’occasion pour nos deux pays de se rapprocher et de se mettre en valeur l’un et l’autre. » La cérémonie pourrait avoir lieu au printemps.
Marc LEPLONGEON et François MALYE
15/12/2019 Le Point.fr
Source photo : ASAF / Laure Fanjeau