François de Menthon, pilier haut-savoyard de la Résistance et de la IVe République (1900-1984)
Paru dans Mémoire-Militaire-Alpine
L’inventaire du fonds personnel de François de Menthon déposé en 2013 aux archives départementales constitue l’occasion de revenir sur un personnage et un parcours peu ordinaires.
Les débuts : juriste et militant catholique
Né en 1900 et issu de la vieille noblesse savoyarde, François de Menthon habite avec sa famille le château de Menthon-Saint-Bernard, sur la commune du même nom contrôlant l’accès de la vallée de Thônes. Il devient professeur agrégé de droit et milite au sein de l’Action catholique durant les années 1930, ce qui lui donne une grande influence morale dans le département de la Haute-Savoie. Cet engagement constitue d’ailleurs la matrice de son action publique future.
Le Résistant
Mobilisé en 1939, blessé et fait prisonnier en 1940, il s’évade et devient un des fondateurs de la résistance en Haute-Savoie avec le mouvement « Liberté » puis « Combat ». Dès janvier 1942, il reçoit à plusieurs reprises Jean Moulin au château de Menthon-Saint-Bernard. Son agression par le SOL à Annecy en mai 1942 choque les Haut-Savoyards et renforce la résistance locale. En danger, il rejoint le général De Gaulle à Londres en 1943, qui le nomme Commissaire à la Justice du Gouvernement provisoire de la République Française à Alger ; après la Libération, il sera ministre de ce GPRF, jusqu’en mai 1945. Il gère avec mesure l’Epuration et, nommé procureur au tribunal de Nuremberg jugeant les nazis, il y définit ainsi la notion de crime contre l’humanité : « Crime contre le statut d’être humain motivé par une idéologie qui est un crime contre l’esprit visant à rejeter l’humanité dans la barbarie ».
Le politique démocrate-chrétien et européen
Compagnon de la Libération, il entame une carrière politique prometteuse : l’un des fondateurs du Mouvement Républicain Populaire (MRP) en 1944, il est député de la Haute-Savoie de 1946 à 1958 et ministre de l’Économie dans le gouvernement Bidault. Il se consacre aussi à la cause européenne et devient président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 1952 à 1954. Il présente alors le premier drapeau étoilé officiel de la CEE. Mais il s’oppose au retour de De Gaulle et quitte la vie politique en 1958 : il retourne enseigner à l’Université de Nancy, et se concentre sur son mandat local de maire de Menthon-Saint-Bernard et président de l’association des Maires de Haute-Savoie jusqu’en 1977. Au terme d’une vie bien remplie au service de la Haute-Savoie et de la France, François de Menthon décède le 2 juin 1984 à Annecy. Il a été inhumé dans le cimetière de sa commune.
Par Sébastien Chatillon Calonne