Haute-Savoie : émouvant 77e anniversaire des combats des Glières

Diffusé sur le site du Dauphiné Libéré le 21/03/2021

La commémoration des combats des Glières en Haute-Savoie s’est déroulée ce dimanche 21 mars à la nécropole de Morette. Une cérémonie du souvenir, sobre et sans public.

Le préfet Alain Espinasse accueilli à son arrivée à la nécropole de Morette par le président de l’association des Glières, le colonel Morel, les maire de Thônes et La Balme-de-Thuy et le directeur départemental de l’ONACVG.  Photo Le DL

En cette journée qui aurait dû, comme ce fut le cas depuis la création du cimetière de Morette, réunir dans le souvenir de cette période tragique, les derniers rescapés, leurs familles, les enfants des écoles et enseignants, cette cérémonie du 77e  anniversaire s’est déroulée ce dimanche 21 mars dans des conditions particulières, dans une grande sobriété et sans public.

Présidée par le préfet Alain Espinasse entouré du chef de corps du 27e  BCA, du président de l’association des Glières, du directeur départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), des maires de Thônes et La Balme-de-Thuy, des parlementaires, des représentants des conseils régional et départemental ainsi que des associations patriotiques, des porte-drapeaux, cette cérémonie dont l’ordonnance n’a guère changé au fil des années, toujours chargée de symboles, témoigne de la mémoire de ces jeunes hommes qui ont donné leur vie pour que la liberté souffle à nouveau sur le pays.

« La France, sous le gouvernement de Vichy, allant au-devant des désirs de l’occupant, perdait son âme et renonçait aux valeurs qui fondaient sa légitimité, renonçait à sa devise qui portait en elle les droits de l’homme. C’est alors que des hommes venant de toute la France mais aussi des Espagnols, Polonais, Autrichiens, un Allemand et un Russe, de toutes conditions sociales, politiques ou religieuses, ont su donner un sens à leur vie à travers un combat inégal contre l’ennemi allemand et pire encore contre des Français des forces du gouvernement de Vichy qui les ont assiégés durant deux mois. Lorsque Tom Morel les accueille sur le plateau des Glières en leur disant : “Ici, il n’y a plus Armée secrète, ni Francs-Tireurs et Partisans, il y a l’armée française”, c’est l’acte de naissance du bataillon des Glières » a rappelé le président de l’association des Glières Gérard Métral dans son allocution.PUBLICITÉ

Ce à quoi le préfet Alain Espinasse a rajouté : « En cet hiver 1944, la France terrassée, la France occupée, la France bâillonnée prouvait au monde qu’elle était encore là, fidèle à ses valeurs, éprise de dignité, de courage et d’honneur. Ici quelques centaines d’hommes avaient décidé de se lever, salués par Maurice Schumann à la BBC en ces termes : “Il y a trois pays qui résistent en Europe, la Grèce, la Yougoslavie et la Haute-Savoie.” Sans ces hommes qui refusèrent tout renoncement, fût-ce au prix des larmes et du sang, sans ces héros de la Résistance intérieure qui refusèrent le déshonneur, renoncèrent à un confort facile, à leur vie de famille, voire à leur propre vie, la France ne serait pas la France ».

Ces deux allocutions pleines de sens ont été ponctuées par l’appel des 101 Morts, du chant des Partisans, du chant des Glières, le dépôt de cinq gerbes par les autorités avant que la cérémonie ne prenne fin avec La Marseillaise reprise par l‘ensemble des personnalités.

Origine de la nécropole de Morette

Dans sa séance du 31 mars 1944, après l’ordre des autorités allemandes d’avoir à faire enlever 20 à 25 cadavres de personnes tuées dans un engagement près du pont de Morette puis de les faire inhumer, le conseil municipal de Thônes en accord avec le maire de La Balme-de-Thuy, trouve un emplacement sur la commune de Thônes près du pont de Morette. Les tombes furent creusées dans une vaste prairie en bordure de la route finalement ce seront 105 tombes, dont celle de Tom Morel que comportera la nécropole visitée le 5 novembre 1944 dans son état initial par le général de Gaulle.

À la ferme des Pesets et route du château, le maire de Thônes et plusieurs de ses adjoints ont rendu hommage aux résistants tués par les Allemands.  Photo Le DL /J-P.C.

Les trois stèles des résistants fusillés par les Allemands ont été fleuries de nouveau ce samedi à Thônes

Comme chaque année, les stèles des résistants fusillés par les Allemands en février et mars 1944, ont fait l’objet d’un fleurissement en leur mémoire. Ce samedi 20 mars dans l’après-midi, le maire Pierre Bibollet, plusieurs de ses adjointes, le président de l’association des Glières Gérard Métral, les représentants du Souvenir français, les porte-drapeaux et quatre musiciens se sont rendus à la ferme Binvignat aux Pesets (vallée de Montremont) puis route du château et enfin au Villaret, pour un dépôt de gerbes sur chacune des stèles.

Le 5 février 1944 sous une épaisse couche de neige, peu après 7 heures, le bourg est envahi par une centaine de miliciens et une vingtaine d’inspecteurs spéciaux de la police. Toutes les sorties de la ville sont bloquées et les arrestations commencent. Sans hésitation, un groupe se dirige vers la ferme Barrachin à la Curiaz où sont logés cinq résistants du corps franc Bastian. Les jeunes tentent de s’enfuir, deux s’échappent vers la forêt du Mont et les trois autres s’élancent en direction du château et se font mitrailler. Georges Laruaz tombe mortellement blessé, son frère est blessé et sera repris au collège Saint-Joseph, le troisième est arrêté.

Au Villaret, les maquisards sont torturés par la Gestapo

Le 28 mars aux Pesets à 15 heures, la ferme Binvignat vient d’accueillir quatre jeunes maquisards rescapés de la marche de repli depuis le plateau des Glières. Ils se trouvent avec le chef de famille Léon, conseiller municipal et le garde des eaux et forêts Émile Quéré. Soudain débouche une patrouille allemande. L’un des maquisards se cache dans la grange tandis que les autres s’enfuient vers la forêt. Émile Quéré sort pour discuter avec les soldats, il est mortellement blessé. Léon Binvignat s’avance les bras levés mais est mitraillé à son tour sous les yeux de sa famille.

Le 30 mars 44, depuis une semaine les troupes ennemies sont installées à Thônes dans le cadre de l’attaque du plateau des Glières. La maison du Villaret est occupée par la sinistre Gestapo qui interroge et torture les jeunes maquisards arrêtés après Glières. « C’est terrible de vivre des événements comme aujourd’hui avec douze fusillés au Villaret devant mes yeux » dira un témoin.